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Oui, l’activité des députés est marquée par des pics au moment des votes majeurs, des crises politiques ou institutionnelles, des événements médiatiques, notamment les votes de censure ou de confiance, les débats sensibles (retraites, condamnations judiciaires du RN), ou la reconnaissance de la Palestine par la France. Lors de la censure de Michel Barnier, 1 736 tweets ont été publiés en une journée par les députés ! Mais il existe également des récurrences, notamment un rythme hebdomadaire avec un point haut les mardis et mercredis, au moment des questions au gouvernement et du Conseil des ministres, puis un net ralentissement le week-end où nos élus retournent pour la plupart en circonscriptions. Il y a enfin un séquençage dans la journée : plus de la moitié des tweets est postée après 16h, avec un pic entre 17 et 20h.
Je ne sais pas si le fait de tweeter en masse signifie tirer son épingle du jeu, mais il y a effectivement des utilisateurs hors normes. De manière générale, on constate une très forte disparité en termes de nombre de publications. Un député sur cinq tweete rarement (moins de 75 tweets par an), quand 18% postent plus de 800 fois dans l’année. Certains députés sont extrêmement actifs sur le réseau. Le classement des « Députweetos » est dominé par Alexandre Allegret-Pilot (UDR, 7 563 tweets), suivi de figures de LFI comme Antoine Léaument (4 676) et Thomas Portes (3 948). Ce sont des élus qui postent plus de 10 fois par jour en moyenne ! Dans le top 20, on compte 11 députés insoumis, 4 issus du RN et 2 de l’UDR, soit 17 élus issus de groupes aux deux extrémités de l’hémicycle.
Les députés les plus suivis ne sont pas nécessairement les plus actifs. Si Marine Le Pen, qui peut se targuer d’avoir le plus de followers (près de 3 000 000), publie fréquemment (1 375 tweets en un an), François Hollande, deuxième du classement avec environ 2 000 000 abonnés, n’en a posté que 212. Dans ce palmarès, le nombre de followers chute ensuite fortement ( 450 000 pour François Ruffin, troisième du classement).
Les écarts entre groupes sont particulièrement marqués. LFI représente environ 12 % de l’Assemblée mais 31 % des tweets émis : occuper l’espace numérique fait partie de la stratégie des insoumis. A l’autre extrémité, le RN et l’UDR sont également très présents, avec respectivement 26% et 6% des tweets. Les groupes les plus radicaux représentent ainsi près des deux tiers des messages sur X, reflet d’une polarisation croissante de la plateforme. Mais derrière ces volumes globaux par groupe, l’activité individuelle des élus est contrastée : les députés LFI publient plus de 3 tweets par jour, loin devant le RN (1,6), les écologistes (1,1) et Ensemble (1). Les autres parlementaires postent moins d’une fois par jour.
Dans les faits, 33 députés, principalement à gauche (17 écologistes, plusieurs socialistes, quelques insoumis, quelques centristes et même un député RN) ont effectivement arrêté de tweeter à partir du 21 janvier. Ce retrait a modifié les équilibres politiques sur X: la part de voix à gauche a reculé de 6 points tandis que celle de l’extrême droite a progressé de 4 points. À gauche, où plus d’un abandonniste sur deux était écologiste, l’expression est devenue (encore) plus concentrée sur les députés LFI, dont les tweets représentent 74% des publications de gauche après le 20 janvier, contre 66% avant cette date. HelloQuitteX n’a donc pas bouleversé la plateforme, mais a renforcé l’asymétrie dans la représentation des différentes sensibilités politiques, et accentué sa polarisation.
L’étude précise des thèmes n’est pas finalisée et j’espère vous la partager bientôt, mais ce que l’on peut dire, c’est que les thématiques les plus fréquentes touchent, logiquement, à la politique nationale et à l’activité des élus à l’assemblée. Les pics d’activité évoqués plus haut en sont révélateurs. Parmi les mots clés les plus utilisés dans les tweets, on trouve France, Français, mais aussi gouvernement, ministres, assemblée, vote… Le week-end, quand les députés retournent dans leurs circonscriptions, on observe un peu plus de mentions liées au local : la fréquence des mots comme villes et villages, départements, maires, circonscriptions est environ 30 % supérieure à celle de la semaine. Mais les députés s’expriment aussi souvent sur l’international, notamment à propos des grands conflits et crises humanitaires.
Les conflits dans le monde occupent une place importante dans les prises de parole : 9 % des tweets, soit un peu plus de 22 000 messages, portent sur une crise humanitaire ou un conflit armé. Le conflit Israélo-Palestinien concentre l'essentiel des publications avec 72 % de tous les posts sur les crises internationales. La guerre en Ukraine arrive en deuxième position, loin derrière avec 18 % des tweets, puis, dans des proportions beaucoup plus faibles, les crises en Syrie, Iran, RDC ou Afghanistan. Des drames humanitaires terribles, comme ceux du Soudan ou du Yémen, sont presque absents des prises de parole, avec cent fois moins de citations que la situation au proche orient.
La question des conflits internationaux est l’un des marqueurs politiques les plus clivants. Les insoumis sont à l’origine de 68 % des messages relatifs au conflit israélo-palestinien. Les dix députés les plus actifs sur ce thème appartiennent tous à LFI, et deux d’entre eux, Thomas Portes et Aymeric Caron, représentent à eux seuls 23 % de l’ensemble des tweets sur le sujet. Le lexique du génocide, des massacres apparait dans plus d’1 tweet sur 3. La sémantique est fortement émotionnelle, mobilisant les registres de la honte, du dégoût, de la colère. À l’inverse, la guerre en Ukraine est davantage portée par les groupes centristes et de droite républicaine, qui produisent environ la moitié des tweets sur ce sujet. Elle est traitée dans une tonalité plus factuelle avec des mots clés comme Europe, OTAN, diplomatie, souveraineté.
Les interactions directes (réponses et citations) occupent une place inégale selon les familles politiques. Pour les insoumis, X est un terrain d’interpellation, parfois d’affrontement : près d’un tweet sur deux est une réponse ou une citation. Ils utilisent le réseau pour répliquer, contredire, réagir. À l’inverse, moins d’un tiers des tweets du centre ou de la droite républicaine relèvent de l’échange, traduisant une logique plus institutionnelle, avec des messages assez longs, parfois explicatifs. L’extrême droite affiche un taux d’interaction modéré, davantage orienté vers la réaction (la réponse) que la citation. Leurs tweets sont visuels avec une forte proportion de hashtags et d’émojis, et ils sont en moyenne les plus courts. Enfin, LIOT et les non-inscrits sont les plus prolixes, avec les messages les plus longs, mais ils interviennent peu dans les dynamiques conversationnelles.
Oui, très clairement. Les usages varient fortement selon l’âge. Les moins de 40 ans sont de loin les plus actifs : ils publient en moyenne 1,9 tweet par jour, soit trois fois plus que les députés de plus de 60 ans (0,6). Mais est-ce un effet de génération ou d’appartenance politique ? Les plus jeunes sont en effet surreprésentés dans des groupes très actifs sur X, notamment LFI-NFP et, dans une moindre mesure, le RN. Autrement dit, une partie de l’écart pourrait relever non pas de l’âge en lui-même, mais de la structure politique des générations.
Les réseaux ne peuvent pas leur servir de baromètres de l’opinion : les publics qui s’y expriment ne sont pas représentatifs, loin de là, de l’ensemble de la population, et ce que l’on constate pour les députés est très probablement vrai pour les citoyens « lambda » : certains vont s’exprimer cent fois plus que d’autres, amplifiant artificiellement des points de vue, des polémiques.
Mais les réseaux sont des espaces clés de diffusion des informations politiques, de déclenchements et de propagations des crises. Scrutés de près par les médias, ils ont un rôle majeur de mise à l’agenda dans le débat public. Les veiller peut ainsi permettre aux députés ou aux partis de détecter en temps réel les sujets émergents dont on va parler mais aussi les risques réputationnels, leur permettant d’adapter leur stratégie de communication ou leur défense. En fait, la veille protège autant qu’elle informe.
Enfin, les outils de social listening permettent de piloter la performance de leurs propres communications.