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En guise d'introduction, comment définiriez-vous la veille "à froid" et en quoi se distingue-t-elle de la veille dite "à chaud" ?


La veille “à chaud”, c’est celle qu’on déclenche quand un sujet surgit : une actualité, une crise, une prise de parole qui fait réagir. Elle est indispensable pour suivre le rythme du quotidien, mesurer un impact immédiat ou anticiper une tension.

La veille à froid, elle, s’inscrit dans le temps long. Elle permet de prendre du recul, d’observer sur plusieurs mois comment une marque est perçue, quels mots reviennent, lesquels disparaissent, et quelle image globale se dessine.

C’est une photo plus structurante que les pics d’attention, c’est la partie invisible de l’iceberg. Celle qui permet de comprendre avant de communiquer et surtout de reprendre le contrôle.

Ce type d’écoute ne nécessite pas forcément de gros moyens, ni de mobiliser un institut de sondage. On peut commencer petit : interroger ses clients, ses partenaires, ou même ses équipes internes, celles qui sont au contact direct des publics, comme le service client ou les RH.

Pourquoi est-il devenu essentiel aujourd'hui pour une marque d'écouter avant de parler ? Et comment cette posture s'intègre-t-elle à sa stratégie globale de communication ?

L’époque des annonceurs “sachants” et tout puissants est révolue. Aujourd’hui, une marque ne peut plus se contenter de crier son message en 4x3, celui-ci doit avant tout répondre à un besoin réel.

Les marques qui parlent juste sont celles qui ont pris le temps d’écouter leurs publics. Le temps d’attention est une ressource rare et précieuse. Pour s’autoriser à en capter, il faut savoir donner en retour : une info utile, un apprentissage, une émotion. Écouter avant de parler, c’est donc une posture d’humilité.

Un bon exemple, c’est la campagne d’Allianz sur le cyber-harcèlement. Au lieu d’un message publicitaire creux, la marque a transformé ses affiches en outils pédagogiques. En aidant les parents à comprendre le langage des ados (lexique d’emojis et de nouveaux termes pouvant être utilisés dans des situations d’harcèlement), on leur apporte une donnée clé pour agir.

Une telle stratégie n’est possible qu’après avoir mené une étude approfondie des publics et de leurs besoins : celle des jeunes, de leurs codes, et des parents confrontés à une incompréhension. Quand on traite ses publics comme des vrais gens, pas comme des “cibles”, on les touche mieux.

Quels sont les outils et méthodologies que vous utilisez en tant qu'agence de communication pour analyser les conversations ? 

Chez Veramente, on dit souvent qu’une bonne stratégie de communication commence par le vrai. Et le vrai, on ne le trouve pas dans un brainstorming, mais dans l’écoute.

Avant toute recommandation, on se met dans la tête et dans les baskets de nos publics : entretiens, observations terrain, panels qualitatifs. On parle à de “vrais gens”, pas à des projections.

On croise ensuite ces données avec des outils d’analyse et de veille comme Visibrain, des études sectorielles ou sociologiques. Cela nous permet de construire des personas réalistes, ancrés dans le réel et non dans la fiction marketing.

Enfin, on co-construit avec nos clients à travers des ateliers d’intelligence collective : on met tout le monde autour de la table, équipes, dirigeants et partenaires, pour faire émerger une vision commune. L’écoute, chez nous, est à la fois individuelle, collective et continue.

Qu'est-ce que cette écoute révèle souvent des décalages entre le discours d'une marque et la manière dont ses publics la percoivent ? Et comment une marque peut-elle réajuster sa posture après une telle analyse ?

La veille à froid met souvent en évidence un écart entre l’intention et la perception.

Ce n’est pas un échec, c’est un phénomène normal : les marques évoluent, les publics aussi, mais pas toujours dans le même tempo. Les dirigeants ont souvent la tête dans le guidon, concentrés sur leurs objectifs. Mais à force de parler de soi, on oublie qu’on parle à d’autres.

La veille à froid permet de prendre ce recul, d’observer les écarts entre ce qu’on pense dire et ce que les autres entendent. Cela fait parfois l’effet d’un électrochoc ! On met le doigt sur des éléments qui paraissent évidents pour les marques, mais qui ne le sont pas du tout pour leurs publics.

C’est souvent là qu’on découvre la vraie singularité d’une marque : pas celle qu’elle revendique, mais celle que ses publics perçoivent. Ce miroir est précieux. Il aide à sortir de la logique de l’égo ou de la réaction, à tisser des liens avec.

Au-delà de la marque, de ses collaborateurs, le dirigeant incarne souvent la marque : comment l'écoute à froid peut-elle aider à piloter sa stratégie de communication ? 

C’est un excellent outil pour prendre du recul et remettre les choses à leur juste place.

Chez Veramente, on accompagne souvent des dirigeants qui ont du mal à dissocier leur image personnelle de celle de leur entreprise.

La veille à froid permet de dresser une photo objective de l’existant. Elle montre que tout ne repose pas sur une seule personne, mais sur un collectif, une histoire, une vision partagée. C’est un outil de lucidité managériale, au-delà même de la communication.

C’est une façon de lâcher un peu les rênes, et de retrouver du recul, ce qui est souvent la première étape pour repositionner une communication de manière saine et durable.

Avez-vous un exemple où une veille à froid a permis à une marque de changer sa stratégie ?

Oui, celui de la STIME, la DSI du Groupement Les Mousquetaires que nous accompagnons depuis plusieurs années chez Veramente. L’image qu’en avaient les collaborateurs était assez floue : la DSI était souvent perçue comme un service purement technique, éloigné du terrain, alors qu’elle jouait un rôle clé dans la transformation digitale des enseignes (Intermarché, Bricomarché, etc.).

La veille à froid menée sur plusieurs mois, combinant analyse des messages passés, entretiens avec les équipes et observation des retours terrain, a révélé un besoin fort de clarté et de proximité… et une envie de débattre !

Ces enseignements ont donné naissance aux Cafés Connectés, une émission interne diffusée en direct, mêlant reportages sur le terrain, débats et questions posées en direct par les collaborateurs. Ce format a permis de recréer du lien, de valoriser les équipes et de redonner une image beaucoup plus humaine et accessible à la DSI.

Quels seraient vos conseils à une marque qui veut intégrer cette démarche d'écoute dans sa stratégie ?

Commencez par une question simple avant chaque prise de parole : qu’est-ce que j’apporte à mes publics en diffusant ce message ? Si la réponse n’est pas claire, c’est qu’il faut tendre l’oreille !

Ce qui compte, c’est de s’inscrire dans une écoute régulière, pas ponctuelle, et de transformer ce qu’on apprend en action concrète.

Une veille à froid n’a de sens que si elle débouche sur un ajustement tangible : un ton plus juste, un discours plus clair ou simplement un meilleur sens du timing.