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L'avis des experts
Communication de crise : la place des bad buzz sur les réseaux sociaux

Marie Guyomarc’h
PR & content manager

@MarieGuyomarch3

Les crises numériques sont les ennemis n°1 des directions communication. Qu’elles naissent sur un réseau social professionnel ou lifestyle, toutes sont dangereuses pour l’image d’une marque. Outre X (ex Twitter), sur quels réseaux sociaux ces crises émergent-elles ? Comment les évaluer ? Et quels sont les nouveaux formats ?

Pour répondre à ces questions, nous laissons la parole à Nicolas Vanderbiest, directeur des opérations de Saper Vedere. Expert en communication de crise, Nicolas nous livre son regard sur les bad buzz, le rôle du dirigeant en situation de crise et sur les tendances majeures.

Quel est ton regard sur la place des bad buzz dans notre société, en 2024 ?

La frontière entre crise numérique et crise est de plus en plus difficile à appréhender dans un monde digitalisé. Les crises numériques sont de plus en plus stabilisées avec seulement deux grosses valeurs qui ont émergé durant les 5 dernières années : le no fake science et les accusations de wokisme.

Cette dernière montre bien la difficulté actuelle des organisations qui doivent s’adapter aux évolutions du monde contemporain, mais avec de multiples contraintes dans cet exercice. Il faut être légitime à prendre des décisions, avoir une cohérence par rapport à son histoire, ne pas aller trop vite, ne pas promotionner un modèle de société plus qu’un autre.

Bref, de nombreuses complexités à appréhender pour ne pas subir de crise par manque d’évolution sociétale ou par excès de zèle dans l’exercice laissant sur le carreau d’anciennes parties prenantes.

Les crises numériques sont donc des bons moyens de prendre le pouls des tensions sociétales qui jalonnent notre société.

Sur quels canaux prennent-ils vie ? LinkedIn, Threads ou encore TikTok sont-elles des plateformes sur lesquelles des bad buzz émergent ?

Dans les chiffres, LinkedIn reste un réseau négligeable. Cependant, on observe sur ce réseau un basculement d’un réseau policé à un réseau de plus en plus politisé et sociétal.

L’année dernière, nous avons eu le premier cas de crise sur LinkedIn.

Par ailleurs, c’est un des rares réseaux que les CEOs ont sur leur smartphone. Cela en fait un levier de plus en plus utilisé par les associations et ONGs pour attirer l’attention.

En résumé, LinkedIn est donc aujourd’hui un réseau peu crisogène, mais la tendance risque de basculer à un moment donné, encore plus si X s’effondre.

TikTok, pour sa part, n’est pas une sphère dangereuse. Son manque d’espace collectif (chaque expérience sur TikTok est unique), son public et les secteurs présents sur cette plateforme en font un réseau peu dangereux même s’il peut toujours y avoir des crises dessus.

Threads est à ses commencements et pour le moment totalement négligeable. Du côté d’Instagram, le réseau a pris une véritable place dans de nombreuses crises (20 % des crises sont commentées sur ce réseau lifestyle). Ce constat fait que cela peut être un réseau à appréhender.

Comment expliques-tu que X/Twitter reste toujours le canal de prédilection des internautes pour commenter les bad buzz ?

X a un tel historique et une telle architecture qu’il est normal que cela reste un canal de prédilection.

Premièrement, et avant tout, c’est le réseau où toutes les parties prenantes sont présentes avec également une grosse présence des journalistes.

Ensuite, il existe de nombreux mécanismes collectifs comme les trending topics, l’accès à la totalité des conversations de la plateforme (avec un faible taux de comptes privés) ou dernièrement l’onglet « pour vous » qui fonctionne par clusters regroupés autour d’intérêts. Cela, cumulé à la grande densité des liens entre les utilisateurs, fait en sorte que la viralité d’une information clé pour une communauté donnée soit extrêmement rapide.

Enfin, les militants y ont développé une ingénieure sociale d’activité très développée avec une forte présence, une militance journalière et une volonté de faire que certaines informations fassent plus de bruit que d’autres.

Une volumétrie inhabituelle n’est pas forcément signe d’un bad buzz. Comment évaluer la crise selon toi, et avec quels indicateurs ?

La principale difficulté est qu’avec les réseaux sociaux, nous vivons dans une société de production. Une opinion non produite n’existe pas dans les rapports social media. Cela peut être dès lors trompeur d’imaginer que n’existent que les opinions qui sont produites. Par ailleurs, des opinions dormantes peuvent ressurgir à l’occasion d’un événement, d’une communication ou autres.

Un pic de publications sur un sujet donné ne veut donc pas dire qu’un changement social ou réputationnel est en cours. Des végétariens attaquant une marque de viande étaient avant leurs publications végétariens, étaient pendant l’attaque végétariens et seront sans doute encore végétariens après. Si la marque de viande ne considère que son chiffre d’affaires, il est peu probable que celui change et que donc l’entreprise soit en crise.

Les grandes questions à se poser en situation de crise sont :

  • Quel est l’impact interne ? Généralement les premières victimes d’une crise sont les employés. Quel est l’impact de la crise sur eux ?

  • Quel impact régulatoire ou systémique ? Dans quelle mesure cela peut impacter la législation, la prise de parole politique ou le secteur tout entier ?

  • Quel est l’impact réputationnel ? Dans quelle mesure cela peut impacter le traitement médiatique, les opinions ou les convictions des consommateurs ?

  • Et surtout le plus important : quel est l’impact business ? Dans quelle mesure cela peut impacter le chiffre d’affaires, les fournisseurs, la production ou toute autre composante importante de l’organisation ?

Est-ce qu’il existe de nouveaux formats qui donnent naissance à des bad buzz (vidéo, audio, podcast…) ?

Pendant des années, la vidéo n’était pas très présente dans les crises numériques. Maintenant on voit ce format exploser avec une bonne proportion dans les crises (37,5 %).

En réalité, plus un contenu est autosuffisant et facilement partageable, plus il peut donner naissance à une crise numérique. Les internautes sont aussi beaucoup plus prudents avant de tacler une organisation. Plus les éléments en leur possession sont indubitables, plus la crise est partagée.

La vidéo permettant d’avoir la vision la plus proche de la réalité des choses, il est normal que la part de vidéo soit prépondérante.

La figure dirigeante est souvent sous les feux des projecteurs dans ces situations. Est-ce la seule personne à même de prendre la parole dans l’entreprise ?

Dans le cas spécifique des crises numériques, il est très rare que le dirigeant monte au créneau comme on peut l’observer sur les grosses crises.

Avoir le dirigeant qui s’exprime, c’est mettre en lumière sa dernière cartouche : il n’y a plus aucune roue de secours.

C’est donc rarement une bonne option sauf quand cela permet d’incarner différemment la communication.

La plupart du temps, ce seront les comptes institutionnels. On peut également utiliser les médias, ou une incarnation au sein de l’entreprise sur des critères de compétences ou sur des critères de localité (région ou local).

Dernièrement, pour le cas de la protestation sur une amende de la SNCF, le responsable régional de la SNCF a par exemple pris la parole sur X pour annoncer que le contrevenant allait être remboursé.

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