Depuis une semaine, des affiches d’un genre singulier ont envahi la capitale. Sur les panneaux à usage réservé, les palissades de chantiers, les boutiques vides, le travailleur, le promeneur ou le touriste est confronté à des pancartes grandeur nature sur lesquelles : Jean Paul Galère, Yves Sans Logement et Christian Dehors, des SDF comme il en croise chaque jour.
C’est pour alerter sur cette banalisation des sans-abri que l’Association Aurore a lancé la campagne « ayons l’élégance d’aider ceux qui n’ont rien » créée par Rémi Noël (Lowe Strateus). Cette campagne de sensibilisation qui joue sur les codes de l’univers du luxe, de la mode et celui de la rue a largement dépassé les frontières de la rue pour pénétrer celles des réseaux sociaux.
Comment est-elle accueillie ? Le message est-il passé ? C’est ce que nous analysons au prisme de Twitter.
« Ayons l’élégance » : une campagne de communication tirée à quatre épingles
La campagne de l’Association Aurore a généré plus de 6 500 tweets en une semaine soit près de 6 000 utilisateurs qui se sont exprimés.
Dès les premiers tweets publiés le 28 avril à partir de 13h20 les internautes saluent une campagne « intéressante et culottée ».
#Communication #Publicité | Campagne extrêmement intéressante et culottée lancée par @AssoAurore pic.twitter.com/nURv4Z0M8P
— Elliott P-Theron (@EPignouxTheron) 28 Avril 2015
Sur l’initiative de communication, la critique est dithyrambique. Les expressions les plus utilisées dans les tweets montrent que l’idée et la manière dont la campagne est réalisée séduit et interpelle.
Les cinq tweets les plus retweetés reflètent également l’enthousiasme engendré :
La campagne a d’ailleurs bénéficié d’excellents relais d’influence par la presse : le Nouvel Obs, Europe 1, Le Huffington Post, Metronews pour les comptes les plus suivis, ont publié un tweet sur la campagne.
Figurent aussi dans la liste des utilisateurs ayant le plus de followers qui ont interagi sur la campagne des hommes politiques et notamment @benoistapparu qui a retweeté le tweet de @jbdba.
En termes de communication, les twittos sont donc unanimes, c’est un coup de maître. Mais qu’en est-il du message ? La campagne parvient-elle comme le souhaitait l’Association Aurore à « alerter » sur la situation des sans-abri sans culpabiliser ?
Du message percutant aux récupérations douteuses
L’association Aurore le stipule dans sur site internet « le message – « Ayons l’élégance d’aider ceux qui n’ont rien » - ne cherche pas la culpabilité mais la reconnaissance ». Or, un seul des 6 500 tweets publiés, utilise le terme de « culpabilité » ou « coupable » ou « culpabilisation » ou « culpabilisant ».
Et c’est pour dire qu’ayons l’élégance évite cet écueil. Le message semble donc bien transmis.
Aussi, la majorité des tweets évoque les sentiments de « solidarité », « charité », « triste réalité ». En revanche, un hashtag #françaisdesouche remonte en troisième position des hashtags les plus tweetés, juste après #Ayonslélégance et #sdf.
Interpelés par ce hashtag nous zoomons sur les tweets qui le contiennent (grâce à la fonctionnalité unique Focus). Il s’agit en réalité d’un internaute @_fabricerobert, qui se décrit comme Président du Bloc Identitaire, qui rapproche dans ses tweets la question de la précarité du logement à celle de l’immigration.
En seulement 4 tweets, @_fabricerobert parvient à générer 159 retweets, soit 172 167 vues potentielles de ses tweets, et ainsi à faire monter le hashtag parmi les plus partagés de la campagne…
A noter par ailleurs, les marques de Luxe dont le graphisme a été détourné pour les besoins de la campagne ne se sont pas exprimées sur le sujet depuis leurs comptes officiels.
« Ayons l’élégance d’aider ceux qui n’ont rien » a su se distinguer en tant qu’opération de communication. L’Association Aurore atteint ainsi son objectif : interpeler. Ramener à la vue ceux qui dans la rue sont devenus invisibles. Et ce avec le raffinement du luxe, Twitter en convient aisément. Toutefois, le message s’il est clair est percutant n’a pas empêché quelques éclats de vernis, un détournement en faveur d’autres messages qui ne servent pas la cause de l’association.